On entre en Django comme on entre en religion. Un palais merveilleux l’incarne, on ne le fréquente pas, on l’habite, il est empreint d’une philosophie de vie, d’une poésie constante, il exige déférence, politesse, élégance, respect, une réelle science du partage, du collectif, de l’écoute mutuelle, de l’élévation… Ainsi nait la Djangologie ! Romane comme Daniel John- Martin font partie de cette église. Tout ce qu’ils touchent lui doit un peu, beaucoup, au Dieu Django. Ce dernier est amour et prêche la tolérance. Tout est permis du moment qu’on ne l’oublie pas. Django est donc partout présent dans ce disque alors qu’un seul morceau provient de sa plume, Nuages. Et ce morceau, sublime arrangement pour quatuor à cordes de la main de Daniel, est un bonus track qui prouve, s’il en était besoin, l’admiration mutuelle que se porte les deux protagonistes. Il s’agit d’un titre inédit, issu d’un projet d’enregistrement sur lequel le violoniste avait invité Romane en 2000, il y a, déjà, 19 ans !
Pour ce nouveau rendez-vous sous l’égide du génial gitan, Daniel John Martin, le lyrique, a choisi Paris, ses rues, ses quartiers, ses musiciens, ses ambiances empreintes de nostalgies, de souvenirs, de bonheurs indicibles, pour terrain d’inspiration auprès de Romane, le subtil guitariste. On y retrouve évoquées les rues qu’il aime à Paris, du quartier des Abbesses à celui de Montmartre, les atmosphères qui le troublent, les amis qu’il n’a pas oublié.
Ce disque porte bien la patte de Daniel John-Martin, violoniste-compositeur-arrangeur-siffleur- chanteur né en Angleterre, vivant en France après avoir passé toute son enfance en Afrique. La majorité des morceaux est bien de son œuvre. Violoniste émule de Stéphane Grappelli, de Stuff Smith et aussi, de Didier Lockwood, Daniel rend hommage à ce dernier par deux fois dans cet album. Dans Didier, qui lui est dédié, et en interprétant son Martinique, donnant à l’album une teinte joyeuse et dansante. Les amis sont présents dans ce disque, Cher Rocky, pour Rocky Gresset, La Sausse, pour Patrick Saussois, avec lequel Daniel avait enregistré un « live » en Angleterre… Beaucoup d’émotions, de nostalgies, beaucoup de couleurs aussi, et d’amour. On y revient !
Romane, fidèle parmi les fidèles, à la poigne élégante, au phrasé précis et délicat, trouve ici un formidable terrain de jeu. La complicité des deux amis est évidente, ils ont co-arrangé l’ensemble du répertoire. Leur art du collectif fait merveille dans ce quartet de musiciens parfaitement connectés. Citons l’excellent Michel Rosciglione, à la contrebasse, et le non moins magnifique Julien Cattiaux, à la guitare d’accompagnement, leur drive est infaillible. Dès les premières mesures, il se passe quelque chose qui vous étreint et ne vous lâche pas. Retour à Montmartre est un petit chef d’œuvre qui vous prend par la main, vous engage dans ce voyage, jusqu’à Nuages. Le bonheur d’être ensemble ici est bien celui de la connivence entre eux, entre nous, entre personnes de la même obédience !
Jean-Michel Proust